Samedi, 5h30. La cruelle sonnerie du réveil retentit, mettant fin à notre courte nuit de sommeil: nous nous levons lourdement, avec la démarche de zombies, nous nous préparons : une longue journée nous attend au Hub !
En fait, aujourd’hui est un grand jour pour HEI, la fin d’une étape: 6 sans abris parmi les 15 finalistes du projet vont être choisis d’ici quelques heures par six sponsors qui feront d’eux des entrepreneurs. La journée débute par l’accueil des quinze finalistes. Nous leur avons preparé un petit déjeuner riche en muffins de toutes saveurs mais, à vrai dire ils ne mangent pas beaucoup: ils doivent vivre un tel stress! Une femme s’approche de moi: “Vous avez un endroit où je pourrais fumer?” Son visage est assez pâle, ses yeux fatigués me fixent, elle a l’air sur les nerfs. Je l’accompagne dans la petite cours spéciale pauses-cigarettes et nous discutons un peu d’elle et de son projet. Elle a une fille qui parle un peu français. Elle souhaite monter des sortes de pièces de travail pour étudiants, dont l’accès serait garanti par le versement d’une petite somme mensuelle, un peu comme un forfait: ici, beaucoup d’étudiants vivent dans une grande précarité et ne disposent pas d’Internet, d’espaces studieux, calmes, équipés en ordis, en imprimantes, en scanners, qui leur permettent de travailler correctement... Je crois que ça la soulage un peu de parler, la voila plus ferme, plus déterminée maintenant: elle est si près du but! Nous regagnons le Hub en terminant la conversation. Les sponsors arrivent ensuite, des discours sont prononcés, un peu partout dans la salle, des groupes conversent.
Pendant ce temps, moi et une partie de l’équipe, nous nous activons en cuisine: nous n’avons pas de traiteur (bah oui, HEI n’a pas les mêmes moyens qu’une grande entreprise), du coup ils n’ont eu d’autre choix que de m’intégrer à leur équipe de cuisiniers (les pauvres). L’appart de Barbara et le mien sont ainsi réquisitionnés pour préparer un festin qui restera gravé dans les mémoires. Nous manquons de tout: de temps, d’instruments de cuisine, de four assez grand, de couteaux de pro, de voitures pour amener les plats et transporter les membres. Mais nous parvenons à tout préparer en ayant seulement trois quart d’heure de retard (c’est un exploit, je vous le garantis). Nous livrons la nourriture au Hub (bon, niveau plats, je dirais que les goûts des sud-af sont étranges, c’est une autre culture...). Après le repas, chaque potentiel entrepreneur présente durant dix minutes son projet aux sponsors.
Vers quatre heures, le temps de vérite arrive. La tension monte d’un cran chez les finalistes. Chacun cherche à cacher ses émotions mais l’espoir et le tract de la petite assemblée sont palpable. Les noms des gagnants sont alors dévoilés. Les trois premiers sont accueillis chaleureusements par l’audience, des applaudissements retentissent, des félicitations fusent. La jeune femme qui m’a parlée de son projet est sélectionnée et va réaliser son rêve, elle va pouvoir gagner sa vie et ne plus être à la rue. Je suis tellement heureuse pour elle! Son visage rayonne mais je crois aussi qu’elle ne réalise pas à quel point sa vie va changer. Je la vois se jetter dans les bras du mentor qui l’a choisie. “I did it” murmure-t-elle. Je garderai toute ma vie en mémoire ce moment où elle a courru vers la femme qui lui a donné sa chance. Les trois derniers gagnants vont être annoncés mais l’ambiance n’est plus la même: chaque nouveau nom, c’est une chance en moins pour les finalistes restants.
Il m’estdifficile de trouver les mots justes pour décrire cette fin de journée. Je crois que le terme le plus proche serait tout simplement de la qualifier “d’émouvante”, de profondément “émouvante”. Je me sens a la fois pleine de joie: six personnes dans le besoin viennent de voir leur vie boulversée, le destin leur sourire enfin après parfois des années de gouffre et c'est beau d'assister a un tel moment. Je me sens aussi très triste, parce que d’autres ont vu leurs espoirs déçus, balayés, ce doit être si dur de perdre une telle compétition de si peu ! Bien sûr, HEI ne les abandonne pas, des formations vont leur être dispensées et ils participeront à la session suivante, mais l’élan financier dont ils ont besoin ne viendra plus, du moins plus tout de suite... Un chemin pour s’en sortir vient de s’envoler...
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